[Chasses nocturnes] [M] Chasses Nocturnes

Vladimir ne les retient pas plus longtemps que cela. Tout avait été dit et il était inutile de les garder plus longtemps. Surtout que certains avaient la concentration d’un chien devant un écureuil. Il fallait faire simple et au plus vite avec eux, sinon ça risquait de rentrer par une oreille et de ressortir par l’autre et toute la réunion aurait été vaine. Parfois, ses frères le fatiguaient. Heureusement qu’il y avait William et Peter qui étaient raisonnables et sur qui il pouvait compter pour mater un peu les autres. Ce n’était pas de tout repos d’être l’aîné, et ça arrivait de temps en temps que Vladimir veuille tout plaquer et partir loin de tout. Mais il se sentait trop responsable envers, alors dès qu’il avait un petit coup de mou, comme ça, il se tournait vers Ashley, son amie de longue date. D’ailleurs, passer la voir ce soir ne lui ferait pas de mal.

William s'empressa de retrouver Alexander pour le mettre au courant. Il voulait d'abord lui en parler pour qu'ils décident tous les deux de ce qu'ils devront dire à Harold. Il était encore très jeune, et il ne voulait pas le faire paniquer.

« Lewis », interpella Peter alors que tout le monde partait de son côté.

« Oui ? »

« Ton inspecteur est venu au cabinet. »

« Oh ? Vraiment. », un large sourire se dessina sur ses lèvres, « Alors il est enfin venu. »

« Oui, et ce n’était vraiment pas beau à voir. Je m’attendais mieux de ta part. »

« Comment ça ? »

« La plaie ne cicatrice pas et il avait une sévère infection. »

« Eh ! J’ai fait ce qu’il fallait faire et dans les règles de l’art. ça s’est passé y’a plusieurs jours. Il a tardé à venir, ce n’est pas ma faute s’il est irresponsable ! »

« Mouais, disons que c’est ça, » taquina un peu Peter.

« Il a parlé de moi ? »
« Absolument pas, c’est comme si tu n’existais pas. »

« C’est cruel ça ! Je suis pourtant quelqu’un d’exceptionnel qu’on n’oublie pas », rit-il.

« Oui, tellement exceptionnel que son cerveau a dû t’effacer tellement c’était insupportable d’être face à tant de perfection. Il va revenir dans quelques jours pour que je lui enlève sa suture. »

« Parfait ! Je vais venir squatter ton cabinet alors, d’ici un ou deux jours pour le revoir. »

« Lewis, tu es sûr de toi ? Un inspecteur, ça peut être dangereux. »

« Ça ne l’ai pas plus que partir à la chasse au tueur sanguinaire qui en veut à notre famille. Toute potentielle aide sera la bienvenue. Si jamais la police tient une piste que nous n’avons pas, je veux la connaître et savoir ce qu’ils ont comme éléments. »

« Tu marques un point, je te l’accorde, mais fais attention. »

« Toujours, oui. Bon, je te laisse, j’ai une montagne de dossier à éplucher, j’ai tellement hâte ! », dit-il ironiquement avant de prendre congé. Même si se plonger dans la paperasse ne l’enchantait guère, il restait de bonne humeur avec cette nouvelle. Encore quelques jours à patienter pour espérer le revoir et le prendre au piège.

Lorsque Alexander rentra à la maison, il se dirigea directement vers sa chambre. Il ne voulait pas voir Harold, il avait besoin d’un moment seul pour reprendre ses esprits. Il n’arrivait pas à oublier cette envie, ce besoin qui le tiraillait, depuis qu’il avait croisé le fameux inspecteur. Il pensait être assez résistant face à ce genre de situation, malheureusement il restait assez jeune encore et l’envie prenait souvent le dessus. Il inspira longuement, puis expira. Une fois. Deux fois. Seulement, il n’arrivait pas à se concentrer et finit par se relever pour faire les cent pas. Il allait craquer à ce rythme.

Le garçon se figea. Des pas se rapprochaient de sa chambre. Il pouvait les reconnaître entre milles, habitué à la compagnie de William. Il lui ouvrit la porte de sa chambre, l’attirant à l’intérieur avant de refermer la porte derrière eux. Il se blottit contre lui, ayant besoin de ce contact rassurant pour essayer d’oublier. « Comment vous faites pour tenir ? » Murmura-t-il, cachant son visage contre le cou de son aîné. « Ça me tue à petit feu … Et pourtant l’odeur n’est plus là ! » Il pensait vraiment s’être habitué à sa nouvelle condition, tout allait si bien jusqu’à l’arrivée de ce Jack Green.


Les jours passèrent lentement, comme si la vie s’était soudainement ralentie. James faisait enfin attention à sa santé, essayant de ne plus forcer sur sa jambe blessée. À cause de ça, il avait l’impression d’être un petit vieux qui se traînait aux côtés de ses collègues. Ces derniers ne l’avaient pas embêté par rapport à sa blessure, faisant confiance à Jared qui connaissait l’histoire. Du moins, le chef en connaissait un petit bout qui suffisait à apaiser sa curiosité. James le remerciait intérieurement de lui laisser le bénéfice du doute et de ne pas chercher plus loin. Finalement, il ne regrettait pas de lui avoir confié son souci, il pouvait se concentrer un peu mieux sur l’enquête en cours plutôt que de réfléchir à comment cacher sa blessure aux autres. Oh, sa soeur avait été mis au courant très rapidement, venant lui tirer les oreilles pour avoir été aussi insouciant et surtout pour ne pas avoir pris la peine de venir lui en parler. James le méritait, pourtant ce n’était pas ça qui le ferait changer de si tôt.

« Bonne soirée. », Souffla un de ses collègues qui avaient enfilé son manteau et qui était sur le point de partir. Ils étaient les deux derniers, Jared ayant eu un rendez-vous important un peu plus tôt. « Merci, bonne soirée à toi aussi, Alfred. Je vais pas tarder à partir aussi. » James secoua la tête en voyant le regard de son collègue. « Promis, je ne fais que jeter un dernier coup d’oeil aux indices que nous avons et je file. J’ai un rendez-vous, je ne peux pas traîner. » Cette précision sembla suffire à Alfred qui lui souhaita à nouveau une bonne soirée avant de filer retrouver sa femme et son fils.

James le laissa partir avant de reposer son regard sur les preuves qu’ils avaient récupérées sur les scènes de crime. Parmi celles-ci se trouvait un petit bout de papier aux armoiries inconnues. Pourtant à force de le regarder, le jeune enquêteur était persuadé de les avoir déjà vues quelque part. Où ? C’était la grande question et sa mémoire semblait lui faire défaut. Il poussa un léger soupir, vaincu pour aujourd’hui, avant de tout ranger et d’enfiler sa redingote. Inutile de s’acharner, ça finirait peut-être par lui revenir un peu plus tard. Il avait appris à lâcher un peu prise, au moins le temps de prendre soin de sa blessure, mais ça ne durerait pas quand on connaissait bien le jeune homme.

Une fois les preuves rangées et les bureaux fermés, James se mit en route pour aller voir le médecin. C’était enfin le jour de lui retirer les fils et voir comment sa blessure guérissait. Il avait tout bien fait, le nettoyage de la plaie, le changement des bandages et la prise de médicaments contre les douleurs. Sa soeur et Jared y avaient veillé au grain au tout début, refusant de le laisser finir avec une jambe en moins alors qu’il pouvait s’en sortir sans souci, mais petit à petit James avait acquis les bons réflexes. Peter ne pourrait pas lui reparler de gangrène vu son état. Il se sentait déjà mieux, et avec un peu de chance il arriverait à interroger le médecin sur sa famille et surtout sur Lewis. Cet homme ne semblait pas vouloir quitter ses pensées. Qui était-il vraiment ? Que cachait-il ? James était impatient d’en découvrir plus avant de s’en rapprocher pour gagner la confiance des quartiers les plus défavorisés de la ville.

William fût étonné de voir Alexander se blottir comme ça contre lui. Il aimait toujours autant sentir le jeune homme contre lui, c’était des choses rares et il en profitait toujours pleinement quand ça arrivait. Mais cette fois-ci, c’était différent. Quelque chose n’allait pas chez le châtain et cela l’inquiétait. Il ne supportait pas de le voir comme ça. Il s’empressa de le questionner sur ce qui le mettait dans cet état et le réconforta comme il le put pour le rassurer. Il lui dit qu’il était fier de lui d’avoir aussi bien résisté et que petit à petit, il arriverait à se contrôler entièrement. C’était différent pour lui et ses frères. Il était né comme ça, et dès leur plus jeune âge il avait été élevé à la dure par leurs parents pour les rendre plus fort. Alexander était quelqu’un de fort et il était convaincu qu’il y arriverait. Il lui promit d’être toujours là pour le soutenir et quand il fût calmé, il aborda le sujet de la réunion de ce soir.


Lewis passa les jours d’après à éplucher les dossiers de Vladimir avec lui. Il n’avait pas vu les heures défilées et mourait d’envie d’aller au cabinet de Peter pour avoir l’espoir de rencontrer une nouvelle fois l’inspecteur. Mais son frère en avait décidé autrement. C’était une véritable plaie pour lui. Non seulement c’était ennuyeux mais en plus, dès qu’il avait le malheur de regarder le plafond avec un peu trop d’insistance, son frère lui tombait dessus. Ils passaient des heures enfermées dans le cabinet de l’aîné de la famille et le jeune homme commençait à saturer. Vladimir n’était pas dupe et voyait bien que Lewis en avait marre. Mais il continuait de le forcer à l’aider pour avancer le plus rapidement possible. Ils avaient fini par faire ressortir une dizaine de noms qui pouvaient avoir des griefs contre le nom Petrovitch même si certains pouvaient encore être éliminé. Maintenant qu’ils avaient fait un premier tri, il fallait passer à la phase 2 et approfondir les recherches.

Soupirant derrière le bureau, Lewis se préparait encore à passer des heures à étudier les dossiers. Alors qu’il tournait les pages d’un dossier sans grande conviction, Peter frappa à la porte du bureau.

« Entre », invita Vladimir.

« Vlad, j’aurais besoin que Lewis me remplace ce soir. J’ai une urgence. Un membre de la famille royale a un peu abusé de certaines pratiques. Je te passe les détails, mais il est dans l’incapacité de se déplacer pour que je le soigne. »

Vladimir regarda Lewis, les yeux pleins d’espoir, puis Peter qui n’avait pas l’air de mentir pour aider son frère à fuir sa tâche.

« Très bien, on reprendra demain. »

« Yes ! », s’écria Lewis en fermant rapidement son dossier.

« Mais ne crois pas que tu y échapperas demain. »

« Je sais, je sais. Je ne me faisais pas d’illusion avec toi. », puis, avant que son aîné ne change d’avis, il quitta la pièce.

« Tu me donnera les détails à ton retour, Peter, mais je veux savoir ce qui est arrivé à Sa Majesté », ajouta-t-il avec un sourire espiègle avant de disparaître de leur vue. Il s’empressa d’attraper sa mallette et se rendit, tout guilleret, au cabinet médical de son frère. Cela allait lui faire du bien un peu plus d’action.

Tout devrait bien se passer. Il avait juste à se faire enlever les fils, rien de bien compliqué, surtout que James avait pris soin de sa blessure cette fois. Il espérait donc être rapidement soigné pour retourner à son enquête. Bien sûr, une part de lui continuait d’espérer qu’il pourrait glaner quelques informations supplémentaires sur les deux frères, histoire d’en savoir plus sur ce fameux Lewis. Il ne savait pas trop comment aborder le sujet, sans paraître trop louche. Oh, pas aussi louche que le médecin, celui-ci lui laissait penser qu’il pourrait l’aider, mais quelles seraient les contreparties à donner en échange ? Jared serait sûrement le premier à lui sauter dessus pour le réprimander s’il savait à quoi il pensait en se rendant au cabinet. Pourtant l’idée continuait de grandir dans son esprit, incapable d’oublier cette piste qui semble plus intéressante que ce qu’ils ont pour le moment. Peut-être pourrait-il réellement avancer avec quelqu’un pour le guider de ce côté de la ville ?

Il toqua à la porte et entra. Comme la dernière fois, il se retrouva dans le même vestibule, mais cette fois il prit le soin de détailler un peu plus les lieux tout en prenant place sur la chaise. James se souvenait de la dernière fois qu’il était passé par ici, seulement il avait l’impression de l’avoir rêvé tellement il était à côté de la plaque. Au moins aujourd’hui il avait toutes ses facultés, il ne risquerait pas de faire une bourde et de se trahir.

Au bout d’un moment la porte de la salle d'auscultation s’ouvrit. James commença à se lever, prêt à accueillir le médecin, seulement en voyant le visage de l’homme en face de lui, il se figea. Ce n’était pas Peter qui était devant lui, c’était son frère. Lewis. L’inspecteur ne s’attendait pas à le voir ce soir, il pensait vraiment retrouver le même médecin que la dernière fois. Pourtant une part de lui savait que le jeune homme travaillait ici aussi, avec son frère. « Bonjour. », Souffla-t-il poliment, en cachant sa surprise. Avec un peu de chance, Lewis n’aurait pas noté la micro expression qui avait tiré ses traits avant de disparaître pour laisser place à son petit sourire habituel.

Lewis s’occupa des patients de son frères avec professionnalisme et délicatesse. Quand on le connaissait un petit peu, jamais on n’aurait pu soupçonner que c’était un homme à l’écoute de ses clients et très doux avec. Même s’il blaguait avec eux, il restait toujours sérieux et s’appliquait à les soigner. Les patients ordinaires appréciaient autant les deux frères. Chacun avait sa façon de faire, mais les deux étaient toujours très professionnel. Lewis passait juste un peu moins bien avec les aristocrates qui venaient en toute discrétion se faire soigner une chaude pisse. Généralement, ils n’étaient pas friands de ses petits commentaires qu’ils jugeaient déplacés mais comme jamais leur secret s’était ébruité, ils se contentaient de se plaindre à Peter pour la forme et revenaient dès qu’une nouvelle maladie vénérienne pointait le bout de son nez.

Le médecin accompagna son dernier client à la porte qui donnait sur la salle d’attente sans sortir du cabinet. Il avait presque exactement le même timbre de voix, au point qu’il était très difficile de discerner qui parlait quand on ne voyait pas leur visage. De tous ses frères, Lewis ressemblait le plus à Peter. Rien qu’en les regardant, on savait qu’ils étaient frère et certains les avaient même déjà pris pour des jumeaux. C’était impossible de savoir à qui on aurait affaire quand on entendait juste la voix. Les patients avaient toujours la surprise au dernier moment.

Lewis prit son temps pour nettoyer le cabinet comme il fallait avant d’aller accueillir le prochain patient et il fût agréablement surpris de voir l’inspecteur. Un large sourire se dessina sur ses lèvres et il remercia Sa Majesté royale de s’être mis dans une situation gênante aujourd’hui ce qui avait pu le libérer de sa corvée.

« Monsieur Green, c’est un plaisir, entrez donc. », dit-il en l’invitant à entrer. Il sourit un peu plus en croyant voir le jeune homme se crisper en le voyant mais ne fit aucun commentaire.

« Installez-vous sur la table. Peter m’avait prévenu que vous étiez passé. Ce n’était pas joli, joli à ce qu’il m’a dit. Vous avez mis du temps à venir vers nous. »

Lewis fouilla dans les papiers de son frère pour retrouver le dossier de l’inspecteur, laissant ainsi ce dernier se déshabiller pour avoir accès à sa plaie.

Sans un mot de plus, James passa la porte de la salle d’auscultation. Il trouvait son vis-à-vis toujours aussi joyeux, peut-être un peu trop. Se souvenait-il de cette soirée où l’inspecteur avait été pris pour une jeune femme par un ivrogne ? Était-il toujours comme ça ? Quelques questions se bousculaient dans sa tête tandis qu’il s’approcha de la table. Il retira ses affaires et prit place dessus, écoutant les paroles du médecin. Ce n’était pas surprenant que Lewis soit au courant des détails de sa blessure, Peter avait dû lui raconter ça à un moment ou un autre. « J’ai tendance à ne pas faire attention quand je suis concentré sur quelque chose. » Avoua-t-il en se disant que c’était mieux que de simplement dire qu’il était trop occupé pour faire attention à sa santé. Certes, il donnait quelques détails sur qui il était, mais il doutait que le médecin pourrait en faire grand chose pour le moment. « Mais cette fois, il n’y aura pas de complication. » Du moins, pas à sa connaissance. Vu que sa soeur et son supérieur étaient aussi là pour surveiller l’évolution de la blessure, James doutait sérieusement qu’il puisse y avoir le moindre souci maintenant.

« Pour être honnête, je pensais tomber sur votre frère puisqu’il m’avait dit de venir au bout de cinq jours » Lança James, curieux de savoir pourquoi aujourd’hui il faisait face à Lewis. Peter lui avait dit quatre ou cinq jours, pour être précis, mais l’enquêteur avait retenu la variable la plus large. Il n’était pas pressé de revenir ici, même si sa curiosité était piquée par Lewis et son frère. Avait-il une sainte horreur des médecins ? Pas à sa connaissance, mais il devait avouer qu’il n’aimait pas traîner avec le corps médical, surtout quand ça concernait sa santé. C’était sa soeur qui devait l’y traîner de force s’il ne voulait pas rendre sa situation plus compliquée. « Non pas que ça me dérange. Après tout, vous êtes aussi médecin. »

« Ça devait être quelque chose ou quelqu’un de très intéressant pour vous faire oublier une telle blessure », lança-t-il avec un petit sourire en coin pour sous-entendre qu’une jeune fille avait dû accaparer tout son temps même s’il se doutait que c’était plutôt son travail qui l’avait distrait. Quand un policier venait fouille dans les bas-fonds c’était soit qu’il était marié à son travail, soit qu’il menait une vie de débauche. James avait l’air un peu trop coincé à son goût pour que ça soit la deuxième option.

« Ça, c’est à moi de le dire après avoir examiné la blessure », dit-il en relevant la tête du dossier. Il ajouta le faux nom de l’inspecteur et la date à laquelle il était venu. Puis, il posa sa plume pour venir voir la cuisse de son patient.

« Je suis un excellent médecin même », ajouta-il en s’asseyant pour être, à peu près, à hauteur yeux la plaie. Il posa sa mallette de médecin à côté de son patient. Généralement, Lewis prenait son matériel et n’utilisait que très rarement celui de son frère.

« Oui, Peter a eu une urgence. A peu de chose près, on se serait loupé. Le destin n’était-il pas merveilleux ? », dit-il pour plaisanter.

Puis, il posa doucement sa main pour sur sa cuisse pour mieux examiner la blessure. La peau de James était étrangement délicate pour un homme qui semblait ne pas vraiment prendre soin de lui. Cela devait être un réel plaisir de mordre dedans. Lewis se mordit légèrement la langue pour rester concentrer sur sa tâche. Après examen, il en conclu qu’il n’y avait pas eu d’autre infection, et commença à enlever les points de suture.

« Vous avez eu de la chance. Les infections, ça peut aller très vite et finir en septicémie. », finit-il de dire après avoir terminé son travail. Il désinfecta une dernière fois la plaie au cas où. Il valait mieux toujours être prudent avec ça. Toutefois, Lewis était un peu déçu que la blessure aille si bien, il ne pourrait pas donner un autre rendez-vous.

« Il faudra encore faire attention dans les prochains jours. La plaie est propre et cicatrice bien. Mais si vous faites trop d’effort, ça risque de tire sur votre blessure et vous faire mal. Il faudra encore prendre pendant quelques jours les médicaments que je vous ai prescrit. Je vais vous refaire une ordonnance. », dit-il avant de retourner au bureau, « Vous pouvez vous rhabiller. »

Un léger sourire se dessina sur les lèvres de James en pensant à ce tueur qu’il poursuivait avec ses collègues. Lewis laissait sous-entendre que quelqu’un l’avait accaparé, mais il ne devait pas se douter que ce n’était pas une idylle amoureuse. James n’avait jamais accordé assez d’attention à son entourage pour se trouver une femme et fonder une famille. Il était bien trop pris par son travail et c’était souvent ça qu’on lui reprochait. Pourquoi ne pouvait-il pas vivre sa vie comme il l’entendait ?

Pouvait-on réellement parler de destin pour leurs retrouvailles ? James se le demandait aussi. Après tout, sans cette blessure, il n’aurait probablement jamais tenté de recroiser Lewis. C’était bien trop risqué et pourtant, une part de lui ne pouvait s’empêcher de penser qu’il y avait quelque chose de louche chez cet homme. Que pouvait-il bien cacher derrière ce sourire qui ne semblait pas vouloir disparaître ? Il était toujours de bonne humeur, en particulier pour provoquer un ivrogne. Sans parler des paroles qu’il lui avait glissées la nuit où ils s’étaient rencontrés dans ce bar, des mots qui lui donnaient envie de s’intéresser au médecin, de découvrir ce qu’il connaissait. Déjà, il avait une notion de ces quartiers de la ville qui échappait à James et à ses collègues, ce n’était pas négligeable. « Je ne sais pas si c’est une bonne nouvelle pour moi. » Souffla l’inspecteur, une teinte d’humour dans le ton de sa voix. « Enfin, vous m’avez bien soigné, ça rattrape notre rencontre hmm... mouvementée. » “Désastrueuse” aurait été probablement plus juste, et pourtant, James ne pouvait pas se résoudre à employer ce mot pour qualifier leur rencontre.

Lorsque le médecin commença à observer sa blessure avant d’enlever les fils, James se contenta de jeter un regard autour de lui. Il ne craignait pas les aiguilles et autres instruments de torture, comme disait si bien son frère, mais il ne voyait pas l’intérêt de suivre les gestes de Lewis. En plus, il cherchait un détail, n’importe quoi qui pourrait l’aider à en découvrir plus sur les deux frères. « En effet. » Dit-il pensivement en repensant à la dernière fois qu’il était venu. Vu l’état dans lequel il s’était retrouvé, il avait bien conscience de la chance qu’il avait eu de s’en sortir aussi facilement. « Encore du repos, c’est noté. » James ne semblait pas motivé à l’idée de devoir continuer à faire attention, mais il savait qu’il pouvait compter sur Violet et Jared pour veiller au grain et lui éviter de recommencer ses bêtises.

Il descendit de son perchoir avant de prendre le temps de se rhabiller. Il n’avait rien vu d’étrange ou qui pourrait justifier une question un poil indiscrète. Il était bien obligé de reconnaître que tout était bien trop rangé et propre par ici et qu’il ne pourrait pas mener son enquête comme ça. En plus, était-ce vraiment raisonnable de continuer à chercher alors qu’un tueur courait toujours dans les rues de la ville ? N’allait-il pas perdre son temps en fouillant du côté de Lewis ? « Je vous remercie. » Dit-il en attrapant enfin l’ordonnance que lui tendait le jeune homme. Il observa un instant l’écriture fine de Lewis avant de remonter jusqu’aux armoiries dessinées sur la feuille. Il eut une impression de déjà vu qu’il chassa bien vite en se rappelant qu’il avait déjà eu une ordonnance lors de leur rencontre. « Est-ce la dernière fois qu’on se voit, ou le destin va-t-il nous jouer un tour ? » James ne savait pas trop pourquoi il rebondissait sur les paroles du médecin comme ça, maintenant, mais il avait presque envie de continuer la discussion, toujours dans l’espoir de mieux cerner le jeune homme en face de lui. « Enfin, dites-moi combien je vous dois ? »

Lewis prit sa plume et compléta à la suite de Peter le dossier médical de l’inspecteur. Même s’il se doutait qu’il n’allait pas devenir un patient régulier et que sa venue était exceptionnelle, il était aussi consciencieux que son frère et notait tout ce qui se passait dans le cabinet. Tous deux partaient du principe qu’on ne savait jamais ce que l’avenir pouvait leur réserver. Et puis, tout noter n’était pas seulement pour avoir un suivi médical. C’était également pour avoir une trace et une preuve sur tous ceux qui passaient ici. C’était toujours bien d’avoir des petites informations pour faire chanter, si besoin, des personnages de la haute sphère. Ils en étaient encore jamais arrivés là, mais il valait mieux rester prudents.

Le médecin referma la le cahier et attrapa une feuille d’ordonnance orné des armoiries de la famille Petrovitch. Seuls ceux trempant dans les affaires les plus louches et secrètes du quartier savaient à qui appartenait ses armoiries et qu’il ne valait mieux pas trop les provoquer. Il trempa sa plume dans son encrier et inscrivit les écorces de saules. Il préférait toujours écrire ce qu’il prescrivait car il savait très bien que n’importe quel pharmacien du coin essayeraient de vendre un remède miracle contenant des choses toxiques qui pouvaient empoissonner votre sang. C’était un vrai fléau et les frères Petrovitch essayaient de lutter comme ils pouvaient contre ça.

Lewis sourit à la remarque de James. Le destin, il l’avait déjà forcé et comptait continuer dans cette voie. Il était bien conscient qu’après deux rencontres, ils n’allaient pas devenir les meilleurs amis du monde et qu’il aurait encore besoin de forcer les choses pour pouvoir se servir de l’inspecteur. Toutefois, le temps jouait contre lui et il devait la jouer un peu moins subtile pour obtenir ce qu’il voulait.

« La même chose que la dernière fois. Je vais me sentir redevable envers vous, non seulement vous avez été blessé par ma faute mais en plus je vous soutire de l'argent. Si ça continue, je vous devrais plus qu’un verre. », dit-il en riant avant de lui tendant l’ordonnance.

« Je dirais que le destin fait bien les choses et quelque chose me dit que nos routes se croiseront de nouveau. », ajouta-t-il en se levant et se dirigea vers la porte du cabinet pour raccompagner James à la sortie.

Ne pas payer lui avait traversé l’esprit à un moment, mais James n’était pas comme ça. Et même si le médecin avait largement provoqué l’ivrogne, l’enquêteur était conscient qu’il n’aurait jamais dû se trouver dans ce bar sans être préparé à toute éventualité. Il était en partie fautif de cet incident et surtout il ne pourrait pas se regarder s’il faisait pression pour repartir sans payer. Par contre, l’idée du verre était de retour, et quelque part, c’était pas une mauvaise idée de garder ça en tête pour trouver une excuse de se revoir un jour. « Si je me souviens bien, j’ai payé la consultation et les bandages la dernière fois, mais soit. » C’était plus simple de parler d’argent que de rebondir sur l’invitation du médecin. Que cherchait-il exactement à insister là-dessus ? James s’était présenté comme un citoyen et non comme faisant partie de la police. Peut-être que Lewis avait découvert quelque chose à son sujet ? Ou alors avait-il une autre idée en tête ? Décidément, impossible d’oublier ce côté louche qui se dégageait du médecin.

Déposant l’argent sur le bureau du médecin, James rangea son portefeuille et enfila son manteau. « Nous verrons bien. » Souffla-t-il avant de souhaiter au médecin une bonne soirée et de quitter le cabinet. Il n’était pas aussi convaincu que Lewis que leurs routes allaient se croiser de nouveau, même si l’envie d’enquêter un peu plus au sujet de cet homme le titillait grandement. Il devait se concentrer sur l’enquête en cours, le tueur avait déjà fait assez victimes comme ça. Et comme pour éviter un autre contretemps fâcheux, l’inspecteur fila chez lui se reposer. Il n’avait pas envie de tomber sur un autre ivrogne ou d'aggraver sa blessure qui commençait enfin à cicatriser.

Deux jours passèrent où l’enquête ne sembla pas évoluer vraiment. C’était toujours aussi frustrant pour James, qui recommençait à revoir les preuves pour la énième fois. Peut-être avait-il loupé quelque chose d’important. Il était presque désespéré à ce stade, pourtant son regard s’arrêta sur un bout de papier en particulier. Il l’observa longuement, détaillant les armoiries dessus pendant quelques instants avant de se rappeler d’un truc. Il se leva d’un bond, faisant sursauter Alfred qui était installé à côté de lui. « Doucement, James, tu vas renverser ma tasse de café sur les preuves. » Mais cette mise en garde ne sembla pas effleurer le plus jeune de la bande qui se dirigea vers la sortie. Il attrapa son manteau, l’enfila et s’enfuit après avoir lancé un bref « Je reviens ! » à l’attention de ses collègues. Il savait que Jared allait lui faire une remarque quand il reviendrait, mais il ne pouvait pas attendre plus longtemps. Il devait en être certain !

En moins de temps qu’il fallait pour le dire, James débarqua chez lui. Il se mit en quête de retrouver un papier qu’il pensait avoir laissé dans l’entrée. Ou alors peut-être un tiroir de la cuisine ? Ou la chambre ? Il fouilla chaque recoin de son appartement avant de dégoter l’objet sur la table basse de la partie salon, dissimulé par un livre. Il poussa un long soupir avant d’observer la feuille qu’il tenait entre ses doigts. Bingo, pensa-t-il alors qu’il voyait les armoiries se détailler sous ses yeux. Il était quasiment sûr que c’était les mêmes. « Bon sang… » Il se mordit la lèvre inférieure. « Qu’est-ce que ça veut dire... » James secoua la tête. Il voulait confirmer cette nouvelle piste, avant de se mettre à réfléchir. Après tout, il commençait presque à se demander si son esprit ne lui jouait pas des tours. Il emporta donc le papier avec lui et retourna au travail.

« Ah, te revoilà ! » Jared était là, à priori seul puisque James ne voyait plus Alfred et Jean dans les parages. « Qu’est-ce qui t’a pris de partir comme ça ? » Le plus jeune ignora son supérieur pour se précipiter vers les preuves qui étaient encore là sur la table. Il s’empara du papier trouvé sur la scène du crime pour le comparer à celui qu’il était allé chercher. Maintenant que les deux étaient enfin côte à côte, il n’y avait plus aucun doute possible. L’ordonnance que lui avait prescrite Lewis portait les mêmes armoiries que le document trouvé à côté du cadavre. « Tu devrais prendre une pause. Jean et Alfred sont sortis manger, tu sais… James, qu’est-ce que c’est ? » Jared s’était approché et pouvait enfin voir les deux documents. « Ça, c’est peut-être notre moyen d’avancer enfin dans l’enquête. »

Après que James eut pris congé, Lewis referma la porte et désinfecta le cabinet de Peter. Un large sourire s’était dessiné sur ses lèvres sans qu’il en soit conscient. La rencontre avec l’inspecteur l’avait mis de bonne humeur. Il espérait que leur deuxième rencontre avait fait avancer un peu les choses. Il avait besoin de savoir ce que la police avait comme indices, d’avoir accès au corps et pouvoir subtiliser des preuves qui pouvaient accuser les Petrovitch !
Même s’il faisait régulièrement des rondes dans tout le quartier c’était difficile de tomber sur une victime du tueur qui semblait en vouloir à sa famille. Trouver en premier un cadavre dans ces rues n’était pas quelque chose de rare. La misère était tellement forte que beaucoup de résidents mourraient seul dans les ruelles sombres. Sans parler de la criminalité qui était la plus élevé de Londres dans les bas-fonds. Mais tous ces corps ne l’intéressaient pas, ils n’avaient rien de compromettant pour sa famille.

Après avoir reçu le dernier patient et nettoyé les locaux, le jeune homme fit comme toujours un petit tour dans les rues. Et pour ne pas changer les habitudes, il fit chou blanc. Le quartier semblait plutôt calme ce soir, ce qui était un peu étrange. Les gens commençaient peut-être à avoir peur de traîner dans les rues. C’était plutôt une réaction normale. Surtout que des rumeurs commençaient à circuler dans toute la ville. Les choses risquaient de se compliquer.

De retour à la demeure familiale, Lewis entra dans la chambre de Peter et s’installe sur son lit sans lui demander son avis. Ce dernier, habitué à ce qu’on son frère prenne ses aises dans ses appartements et ait du mal avec le concept de « respect de l’intimité », se contenta de relever son nez de son livre. Heureusement que sa fiancée n’était pas venue lui rendre visite. Posant son livre sur le guéridon, il écouta attentivement le rapport de son frère et le trouvait étrangement joyeux pour quelqu’un qui piétinait dans son enquête.

« T’es de bonne humeur. »

« Ah bon ? Peut-être parce que je suis enfin libéré de ma corvée avec Vladimir et que William m’autorise de nouveau à revenir dans son bar. Je les ai croisé en bas. Il faut que je reprenne les saignées de mes patients. Ils ont dû se sentir mal sans ce remède fantastique. », plaisanta-t-il. Il savait pertinemment que les saignées étaient complètement inutiles, mais la personne qui avait inventé cela était un véritable génie ! C’était une bénédiction pour eux.

Lewis passa le reste de la soirée à squatter la chambre de son frère, où il ne finit même pas s’endormir dans son lit. Blasé, Peter alla dormir dans la chambre de Lewis. Il n’avait pas eu le cœur de le réveiller. Il savait que son cadet travaillé beaucoup, et même s’il ne le montrait pas, devait être épuisé.

Les jours suivants, le médecin sans diplôme repris son activité dans le bar de William.

L’espoir semblait revenir maintenant que James avait la preuve et son ordonnance côte à côte. Quelque chose lui disait que ça ne pouvait pas être une coïncidence. Les deux étaient ornés des mêmes armoiries, il y avait forcément un lien entre les médecins et les meurtres. « James, qu’est-ce que tu as fait ? » L’enquêteur leva le regard vers son supérieur qui avait fini par prendre place en face lui. Ce dernier ne semblait pas prêt à supporter des mensonges de la part du plus jeune. Il devait tout lui dire. « C’est un coup du destin. » Ces mots firent écho aux paroles de Lewis lors de leur dernière rencontre. Finalement il avait peut-être raison, leurs chemins allaient se recroiser sous peu. « James. » Le ton se fit plus sec, comme si l’impatience de comprendre devenait soudainement insoutenable. Il ne pouvait pas le lui reprocher, James savait qu’il avait joué avec le feu et qu’il risquait une mise à pied en avouant tout, mais il était important qu’il approfondisse cette piste et qu’il explique la situation à son chef.

« Je ne suis pas allé voir mon médecin habituel pour traiter ma blessure. » Jared haussa un sourcil, invitant ainsi James à poursuivre. « Tu te souviens quand tu m’as dit d’aller me reposer ? » James esquissa un léger sourire gêné. « Peut-être pas, tu me le dis si souvent, mais voilà, je n’ai pas écouté. » Un soupir coupa la parole au plus jeune. Jared s’en doutait, mais l’apprendre venait de le fatiguer. Il sentait que la suite n’allait pas lui plaire. « Je suis allé du côté des bas-fonds. On ne va pas assez souvent là-bas. Malheureusement mon enquête fut vite interrompue par un ivrogne qui m’a pris pour une charmante demoiselle. » James expliqua le coup de la blessure, la rencontre avec le médecin et les rendez-vous où il s’était rendu, bref tout l’histoire y passa. « J’aurais dû le voir plus tôt, je me sens stupide ! » S’il n’avait pas négligé sa blessure, il aurait été plus alerte et il aurait pu trouver la correspondance bien plus tôt.

« Tu es impossible. Parfois je me demande si te mettre à la porte ne te rendrait pas service. » Jared attrapa sa tasse de café et en but une gorgée. Le liquide était malheureusement froid maintenant et une grimace trahit son dégoût. « Malheureusement je te connais assez bien pour savoir que ça ne t’arrêtera pas. » James hocha la tête, ravi de voir que son supérieur ne comptait pas le virer comme ça. Oh, il risquait de se faire sanctionner, mais il était prêt à courir ce risque si ça pouvait faire avancer l’enquête. « Maintenant qu’on a ça, je ne peux pas rester là et ne rien faire. Je dois approcher Lewis et son frère pour découvrir ce qui se passe. » Jared ne répondit rien, sûrement en proie à une grande réflexion, même s’il écoutait toujours ce que James avait à lui dire. « Si ce sont les coupables, ils ont été très négligents. Ça me parait peu probable, mais il y a un lien, c’est forcé. Lequel ? Ça je l’ignore et sans mener une enquête ça parait compliqué de le trouver. On ne peut pas attendre un nouveau meurtre pour voir si ça se tient ou si c’est une pure coïncidence. »

Le plus jeune se leva pour venir s’installer sur la chaise à côté de son chef. Il allait lui demander quelque chose de risqué, mais c’était la seule solution qui pouvait marcher à l’heure actuelle. « Je vais retourner voir Lewis, je vais lui dire que je cherche quelqu’un ou je ne sais quoi, faut que je réfléchisse à tout ça, et je vais passer du temps avec lui. Il va me faire découvrir les bas fonds, il l’a sous-entendu lors de nos rencontres- » Jared leva la main pour couper James. « Justement, c’est trop risqué. On dirait qu’il te tend un piège. » L’enquêteur se mordilla la lèvre inférieure. « Jared, on n’a pas le choix. Il ignore que je travaille au sein de la police, je ne peux pas risquer qu’il le découvre. Je dois arrêter de venir ici pour m’infiltrer aux côtés de ce médecin. On doit découvrir ce qui se passe. On ne peut pas laisser passer cette chance. L’enquête piétine, c’est notre seule piste pour le moment. La seule qui tient la route. » Un silence suivit cette déclaration. Jared savait que l’enquêteur avait un argument de taille. Si tout lui criait que c’était un piège, que James allait se mettre dans une situation dangereuse, l’idée de pouvoir tirer au clair cette histoire de papier commençait à prendre le dessus. Au bout de plusieurs minutes à argumenter sa position, James finit par obtenir ce qu’il voulait. Jared ne put lui promettre qu’il allait s’en sortir sans blâme, surtout après le coup qu’il lui avait fait, mais il lui donnerait les moyens pour enquêter de son côté. Parfait, James n’avait plus qu’à réfléchir à ce qu’il allait inventer et il pourrait se rendre au bar. Il avait déjà une vague idée de ce qu’il allait dire, mais il devait être sûr que son histoire allait tenir la route pour ne pas se faire avoir par le médecin.

La dernière victime avait été retrouvé il y avait environ cinq jours. Selon les pronostics de Lewis, le tueur devait de nouveau frapper ce soir ou demain. Comme ils n’avaient pas encore assez de pistes pour le démasquer, Vladimir avait ordonné, hier, aux branches inférieures rattachées clan Petrovitch de se mobiliser en patrouille pour inspecter les rues. Seuls ses frères avaient ordres de continuer leurs activités habituelles. Comme c’était eux la cible, ils ne devaient pas éveiller les soupçons et faire comme si tout allait bien et qu’ils ne se sentaient pas menacés par ce vulgaire meurtrier. Faire semblant qu’ils ne le craignaient pas était une stratégie pour essayer de faire sortir le tueur de ses gongs et le pousser à l’erreur. Pour l’instant, c’était tout ce qu’ils pouvaient faire. Cela leur donnait l’impression d’être un peu moins impuissant face à la situation. C’est ainsi que William ouvrit son bar comme tous les jours, Peter reçu ses patients, Alexander s’occupa de la pharmacie et de certaines livraisons, les jumeaux restaient à la maison en aidant Vladimir dans ses affaires, Luca sortit pour la première fois depuis longtemps dehors pour se rendre à la maison close de Lady Ashley et Lewis repris ses activités clandestines dans le bar de William.

« Je te préviens, tu fous encore le bordel une fois et je te mets dehors. », menaça William en entrant dans son établissement. D’ordinaire calme et posé, le jeune homme n’était jamais très crédible quand il s’énervait ou menaçait quelqu’un de sa famille. Il ne montrait réellement les crocs que quand une personne chère était en danger.

« Mais qui va nous nourrir si je n’ai plus de local ? », dit-il avec un large sourire. Ce sourie avait le don d’énerver son aîné. Il était tout à fait conscient que l’activité de Lewis était essentielle pour eux et il le détestait tellement quand il lui donnait l’impression d’être intouchable.

« Lewis ! », grogna-t-il.

« Je plaisante, je plaisante. Je me tiendrais à carreaux, ce n’est pas le moment de faire des vagues. », dit-il en allant dans sa pièce pour faire un peu de ménage, préparer son matériel et nouer son tablier. Avec lui, il ressemblait vraiment à un boucher.

« Tu peux m’envoyer le premier patient quand tu veux, je suis prêt. A ma pause, je passerais voir Alexander avec un petit cadeau. », dit-il en passant la tête à l’encadrement de la porte une fois que tout fût prêt.

Et le premier patient ne mis pas longtemps avant d’arriver. Il pensait que la journée allait être monotone en enchaînant les saignées, mais il fût surpris de voir que son troisième patient était une blessure par balle. Il allait devoir faire une intervention. Un peu d’action c’était toujours plaisant. Quant il en eu fini avec lui, il s’octroya une petite pause pour aller boire un verre.

« T’aurais pu en levé ton tablier, il est couvert de sang, » soupira William.

« Bah au moins on ne viendra pas m’emmerder avec ça », plaisanta Lewis.

« Tu sais bien ce que je veux dire. », soupira-t-il de nouveau mais visiblement son frère avait décidé d’en faire qu’à sa tête.

« Tiens, j’ai apporté ma boisson, tu nous sers un verre ? », ajouta-t-il avec un large sourire en lui tenant une bouteille en terre cuite.

Le barman ne se fit pas prier et sortit deux choppes en étain pour les servir. Ils se regardèrent dans les yeux et trinquèrent, tous les deux en souriant avant de boire cul sec le contenu de leur gobelet.

« Pas mal, tu peux garder ton tablier, » plaisanta-t-il.

C’était le grand soir. James s’était préparé avec l’aide de son supérieur pour bien commencer cette nouvelle mission. Il allait enfin pouvoir s’approcher du médecin et découvrir un peu mieux qui il était et s’il était lié d’une façon ou d’une autre aux meurtres. Il n’y avait que peu de doutes à ce sujet, sinon pourquoi la police aurait retrouvé un papier avec les mêmes armoiries que celles présentent sur l’ordonnance faite par Lewis ? Bien sûr, James ne le soupçonnait pas encore comme étant le tueur en série, il était bien trop méthodique, minutieux, pour laisser une telle preuve en évidence sur le lieu du crime. « Si tu sens que c’est trop dangereux, tu n’hésites pas à abandonner. Nous trouverons un autre moyen de- » James leva sa main pour couper la parole à son chef. Jared soupira. « Ne t’en fais pas, je serai prudent. C’est promis. »

Après quelques mots en plus, James se mit enfin en route pour les bas fonds. Il avait opté pour une tenue qui dénoterait moins que celle qu’il avait mise la dernière fois. Il n'attirait peut-être pas un ivrogne dès les premières minutes cette fois. Il l’espérait, il avait besoin d’arriver en un seul morceau au bar et de lancer la discussion avec le médecin sans que quelqu’un vienne perturber l’échange. Lewis ne serait peut-être pas présent, mais James comptait sur le barman pour l’aiguiller et, dans le pire des cas, pour passer un message au médecin.

La chance sembla être de son côté puisque James put mettre un pied dans l’enceinte du bar sans le moindre incident. Il savait que tout n’était pas joué, que la mission ne faisait que commencer, mais il refusait de penser au pire.

Il s’approcha du comptoir, prenant exprès la place aux côtés de l’homme aux cheveux blancs. Il l’avait immédiatement repéré dans la foule. Il fallait dire que ce n’était pas courant ce genre de chevelure. « Bonsoir », Souffla-t-il poliment à l’attention du barman puis de Lewis. « Vous travaillez ici ce soir ? » Tomber immédiatement sur le médecin relevait d’une chance insolente. Il pourrait presque se demander si les ennuis n’allaient pas lui tomber dessus de façon encore plus brutale que la dernière fois qu’il avait mis les pieds. Seulement, James n’était pas connu pour être du genre à reculer, au contraire, il était plutôt le genre d’hommes à foncer dès qu’il voyait une ouverture. Il avait besoin d’en découvrir plus et il n’allait pas laisser passer cette chance. Il s’était préparé, il ne se ferait pas avoir une seconde fois.

« Je savais que je pouvais te corrompre facilement, un petit verre et je peux faire de toi tout ce que je veux. », plaisanta Lewis.

« Tu me prends par les sentiments aussi. Tu joues avec la corde sensible aussi. Mais j’ai ma fierté quand-même, tu n’arriveras pas à me faire faire tout ce que tu veux, je ne danserais pas nu sur mon bar » continua de plaisanter son frère.

« Ah~ dommage, je suis sûr que ça plairait beaucoup. Certains pourrait même te lâcher un ou deux billets pour te voir onduler ton corps. », ajouta le cadet avant d’éclater de rire après s’être imaginé la scène. « Mais Alexander risque de bouder en apprenant ça. », dit-il avec un clin d’œil lourd de sous-entendu, ce qui provoqua de légères rougeurs chez William.

« Ne dis pas de bêtise, bois plutôt que de raconter des âneries. », répondit-il en lui servant un autre verre en espérant changer de sujet. « Tu as pu en avoir beaucoup ? », demanda-t-il en indiquant la bouteille en terre cuite pour faire comprendre ce dont il voulait parler.

« Pas autant que je voulais, mais ça devrait suffire pour tout le monde. Mais j’espère pouvoir en avoir encore ce soir. On verra si on est chanceux. Garde le reste pour Alex~»

« Tu lâches vraiment pas l’affaire toi ? »

« Ja-mais~ », dit-il avec un grand sourire, il était prêt à ajouter quelque chose de plus quand une voix familière vient saluer son frère.

« Bonsoir, qu’est-ce que je vous sers ? » répondit poliment William en voyant l’inspecteur. Malgré son sourire le jeune homme était un peu crispé de le voir ici. On ne se sentait jamais bien quand un filc se trouvait devant vous que vous aviez des choses à vous reprocher.

« M Jack Green, en voilà une surprise », lança Lewis en se tournant vers lui.

« Eh oui, c’est mon cabinet principal. Je ne fais que remplacer Peter quand doit faire des visites. Et vous, quel bon vent vous amène ? En mal de sensation forte depuis que votre blessure est guérie ? Ou alors je vous manquais ? », plaisanta-t-il tout en observant attentivement son interlocuteur. Celui-ci semblait avoir choisi des vêtements un peu moins riches que la dernière fois. Sa visite était plus réfléchie que sa première venue ici. Pouvait-il prendre ça pour un bon signe ?

L’inspecteur n’hésita pas une seconde avant de répondre au barman. « Un café, s’il vous plaît. Je vais en avoir besoin. » Il avait soufflé ces derniers mots, comme s’il parlait à lui-même, mais au fond il était en train de placer ses pions en douceur. Il avait besoin de laisser sous-entendre qu’il avait besoin d’aide, que sa venue n’était pas totalement anodine. Il savait que le médecin à ses côtés n’était pas bête et qu’il capterait rapidement que le jeune homme s’était pas arrêté par ici simplement pour siroter un café avant de se lancer dans une nuit blanche. Il fallait être méfiant et avancer ses pions avec prudence pour éviter de se faire griller trop rapidement.

C’était pour ça que James avait lancé la conversation l’air de rien, s’intéressant à son interlocuteur. Il était curieux de connaître la réponse, même s’il y avait une possibilité pour que Lewis lui mente aussi. Après tout, le médecin pouvait très bien jouer double jeu pour cacher sa véritable identité. Peut-être était-il vraiment lié aux meurtres en série et pour cette raison l’inspecteur devait être d’autant plus prudent. « Rien de tout ça, malheureusement. » Soupira-t-il en pensant à la raison qu’il avait concoctée pour justifier sa présence par ici. Il se demandait si ça allait marcher ou non. Après tout, le médecin pouvait très bien le rembarrer, même s’il avait sous-entendu, lors de leur première rencontre, qu’il connaissait bien les lieux. C’était comme s’il l’invitait à lui faire découvrir les environs. Pour quelle raison ? Ça l’enquêteur l’ignorait, mais il était prêt à le découvrir. « Enfin, c’est peut-être ce qui a poussé ma sœur à venir dans le coin. » Ajouta-t-il finalement en attrapant sa tasse de café. Il remercia le barman, un léger sourire sur le bout des lèvres, avant de reprendre la parole. « Mais je tiens à dire que j’ai retrouvé la forme. Ma blessure ne me pose plus aucun souci. » Il fit exprès de changer de sujet sur quelque chose de plus neutre, comme si l’histoire sur sa sœur ne concernait pas le médecin à ses côtés.

« Un café ? », répondit quelque peu surpris William. C’était rare que les gens commandent quelque chose de soft dans son bar. C’était généralement des breuvages bien plus fort qu’on lui demander. Toutefois, en bon barman qu’il était, il avait en stock tout ce qu’il fallait pour satisfaire ses clients.

« Il faut que je fasse chauffer de l’eau, ça peut prendre un peu plus de temps. », ajouta-t-il avant de disparaitre et de laisser Lewis en tête-en-tête avec l’inspecteur en espérant que son frère pourrait gérer. Il se faisait vraiment trop de soucis pour lui, il le savait, mais son cadet avait eu, dans le passé, tendance à se montrer imprudent.

« Dommage, moi qui pensais que vous veniez pour mes beaux yeux~. », plaisanta le médecin sans diplôme.

Son frère partit, Lewis ne se gêna pas pour se pencher et récupérer une bouteille de rhum derrière le comptoir, comme s’il était chez lui, puis, il se rapprocha de le fameux M Green.

« Le danger a quelque chose de très excitant. », dit-il avec un large sourire en ancrant ses yeux dans ceux de l’inspecteur et alors qu’il s’apprêtait à prendre deux verres pour leur servir du rhum, William apporta la commande de James et attrapa par la même occasion, sans un mot, la bouteille que tenait son frère dans les mains. Lewis se contenta de le foudroyer des yeux, mécontent, ce qui laissa totalement indifférent son aîné qui alla s’occuper d’autres clients.

« Vous êtes sûr qu’un simple café vous suffira ? », le jeune homme attendit que le barman ne fasse plus attention à lui pour prendre une nouvelle bouteille et les verres.

« J’aurais pu être barman, je suis une oreille très attentive qui sait écouter les soucis des gens, » ajouta-t-il, l’air de rien avec un clin d’œil, montrant ainsi qu’il était prêt à écouter plus l’histoire de sa sœur aventurière. Puis, il servit deux verres de rhum et en poussa un vers l’inspecteur.

« C’est une excellente nouvelle ça, il faut trinquer. », dit-il en riant avant de lever son verre et de le boire cul sec.

« Mais je n’en doutais pas, je suis un excellent médecin, c’est normal. Et vous verrez, votre cicatrice va disparaitre petit à petit comme si vous n’avez jamais rien eu. »

Un café à cette heure tardive, dans un bar où tout le monde picolait, pouvait sembler assez étrange. Seulement pour l’inspecteur c’était tout naturel. Il avait une consommation un peu excessive de cette boisson, mais ça lui permettait de mieux tenir lors de ses nuits courtes. Il n’osait même plus compter le nombre d’heures qui lui manquaient au compteur. S’il avait le temps pour faire ça, il avait le temps pour s’occuper de l’enquête.

Lorsque sa boisson arriva, James ne manqua pas la tentative du médecin de subtiliser une bouteille d’alcool. Le barman fut cependant plus rapide, même si Lewis n’avait pas dit son dernier mot. « Le café est la meilleure option dans mon cas. » Souffla simplement l’inspecteur en réponse à son interlocuteur. Il entoura sa boisson d’une main, attendant quelques instants avant de la porter à ses lèvres. Ce fut justement à ce moment-là que le médecin récupéra enfin de quoi boire, tout en évoquant à quel point il était disponible pour écouter les gens. Mordait-il à l’hameçon ou essayait-il de piéger James à son propre jeu ? C’était compliqué de savoir avec cet homme, il donnait l’impression d’en savoir plus qu’il ne voulait le dire.

« Vous tenez vraiment à me faire boire un verre. Dois-je me méfier ? » James lança ces paroles avec un léger sourire, signe qu’il disait ça pour plaisanter. Même si au fond il se méfiait, il savait qu’il devait se rapprocher de Lewis. S’il le faisait fuir, ses chances d’en apprendre plus sur le médecin allait s’envoler. « Enfin, c’est une bonne nouvelle si je ne vais pas garder de trace de mon premier passage dans ce bar. »

Finalement, James finit par lâcher sa tasse pour attraper le verre et le boire cul sec à son tour. Il sentit sa gorge le brûler un court instant, lui rappelant finalement qu’il n’y avait pas que la caféine pour se donner un bon coup de fouet. Et tant qu’il n’abusait pas de la boisson, il ne devrait pas y avoir de soucis. « Hmm » L’inspecteur poussa un soupir. « Pour être honnête, je ne devrais pas rester ici, mais je ne sais pas trop où aller ou par où commencer. » Il marqua une pause, comme s’il hésitait à se confier. Ce n’était pas bien dur de jouer ça, il avait l’habitude d’être comme ça, de tout garder pour lui même dans les pires moments. « Enfin je vais pas vous embêter avec mes problèmes, même si vous êtes en pause, vous avez assez à faire avec vos clients. »

« Vous méfiez ? Pourquoi, j’ai l’air si louche que ça pour qu’un simple petit remontant vous mette sur vos gardes ? » dit-il, sur le ton de la plaisanterie pour montrer qu’il n’avait pas mal pris sa petite boutade. Il savait très bien de quoi il avait l’air. Être intimidant ou paraitre louche, c’était quelque chose de famille. Tous ses frères en imposaient. Sauf peut-être William, mais lui, c’était une exception. C’était le bisounours de la famille. S’ils ne se ressemblaient pas, on aurait même pu croire qu’il avait été adopté.

« Je jure solennellement de n’avoir mis aucune substance illicite dans votre verre ni dans la bouteille. », ajouta-il en levant la main droite et posant sa main gauche sur son cœur. « Il n’y a aucune crainte. »

« Sacré descente », dit-il avec un petit sourire en coin en observant l’inspecteur boire cul sec son verre. C’était le geste de quelqu’un qui savait boire, ça, ça lui plaisait bien. Il se servit un autre verre et remplit de nouveau à James.

« Je ne vous force pas à boire », commenta-t-il après l’avoir servi de nouveau, « Vous n’êtes pas obligé de le boire, et ne vous en faites pas, je le viderais si besoin, j’ai le sens du sacrifice pour éviter le gâchis. », dit-il en riant.

« Ne vous inquiétez pas pour moi, je n’ai pas de client qui m’attend. Si vous ne savez pas par où commencez, que diriez de me parler ? », dit-il avec un sourire qui inspirait confiance.

La méfiance est de rigueur en cet instant. Pourtant tu ne peux pas te permettre de repousser toute ouverture, bien au contraire, tu dois les saisir. C’est ta chance de te rapprocher du médecin. Il est louche, encore plus depuis que tu as découvert la ressemblance entre les armoiries de l’ordonnance et celles découvertes sur un papier de la scène de crime. Qu’est-ce qui lie cet homme aux meurtres ? Tout laisserait penser qu’il est la personne derrière ses tueries, mais tu n’es pas du genre à laisser l’évidence prendre le pas sur les preuves. Tu as besoin de creuser cette piste, et c’est pour ça que tu es là, à partager un verre avec cet homme qui semble étrangement joyeux en cette soirée en tout point banale. « Bien sûr que non. » Tu arbores toujours ce petit sourire pour montrer que tu plaisantes. « Enfin, disons que vous n’êtes plus vraiment un inconnu après ce qu’on a vécu. » Tu as fait exprès de tourner ta phrase comme ça, pour évoquer votre première rencontre et les moments où tu es passé au cabinet pour te faire soigner.

Tu suis le mouvement et bois ton verre cul sec comme Lewis. Ce dernier lâche même un commentaire, ne s’attendant sûrement pas à ce que tu acceptes de boire ton verre aussi rapidement. Certes, d’ordinaire tu aurais pris le temps de l’avaler, comme tu le fais en compagnie de Jared, mais la situation est différente. « Surpris ? » Demandes-tu, un fin sourire sur les lèvres. Cette question n’attend pas vraiment de réponse, tu sais que tu t’es montré sous un jour différent la première fois que tu es venu ici. Tu étais mieux habillé et tu avais commandé un café, comme aujourd’hui. Tu ne dois pas donner l’impression de consommer régulièrement de l’alcool. Comme quoi, les apparences sont souvent trompeuses.

Finalement tu tends une perche, laissant sous-entendre que quelque chose te tracasse. Le médecin mord rapidement à l’hameçon. C’est presque trop beau pour être vrai. Tu te demandes si tu ne devrais pas te méfier, tout se passe trop bien pour le moment. Quel danger t’attend au coin de la rue ? Cependant tu ne peux pas vraiment reculer, tu dois saisir ta chance et continuer dans cette lancée. « Je ne pense pas que vous ayez du temps à perdre avec ça. » Souffles-tu en glissant tes doigts autour de ton verre à nouveau rempli par le médecin. Tu fais exprès de délaisser ton café, signe que tu es un peu désespéré par ta situation. « Mais comme j’ignore vraiment par où commencer, je vais vous embêter un instant. » Cette fois, tu lui offres un léger sourire gêné, comme si tu étais vraiment embêté de l’importuner avec tes histoires.

Avant de commencer à parler, tu lèves ton verre pour en boire une gorgée. Cette fois tu ne le vides pas d’un coup, tu tiens à garder le contrôle sur la situation et pour ça tu dois éviter de t’enfiler un peu trop de verres. Tu n’as pas envie de voir ton plan se retourner contre toi. « Je suis à la recherche de quelqu’un. » Sur ces mots, tu reposes ton verre, observant le liquide à l’intérieur. « Je sais qu’elle est déjà venue par ici. J’ai fouillé tous les endroits que je connais, ceux qu’elle a l’habitude de fréquenter, mais je n’ai rien trouvé. Je me suis dit que je pourrais venir ici pour essayer de retrouver sa trace. Seulement... » Tu lèves le regard vers Lewis. « Le quartier est grand et contrairement à vous, je ne le fréquente pas assez pour savoir par où commencer. » Tu ne dis pas tout, mais c’est fait exprès, tu veux voir la réaction du médecin avant de poursuivre tes explications.